La vieille femme disparaît. Eddy Staff s’assied. Il se sent mal à l’aise dans ce décor suranné. Il lui semble être projeté dans un autre univers, dans une autre époque, une époque révolue, si loin de son décor familier. Mais quel est donc son décor familier? Et pourquoi a t-il la mémoire aussi sélective? Eddy Staff a l’impression d’être dans un rêve, où les personnages, les objets, seraient déformés, grossièrement caricaturés.
- Je ne vais pas rester très longtemps.
- Prenez votre temps, jeune homme. Il faut savoir s’économiser. C‘est bien là le meilleur placement, non?
- Mais quand on prend trop de temps, on n'avance pas! s’exclame t-il contemplant les vieilleries qui l’entourent.
- Depuis la nuit des temps, avancer consiste à mettre un pied devant l'autre. Et depuis la nuit des temps, tous les êtres qui vivent sur terre avancent.
- Je parle d'avancer en terme de progrès. Ce qui permet d'avancer plus vite, de vivre avec son temps, si vous préférez.
- Quel progrès?
- Les autoroutes, le train rapide, les fusées, c'est ça le progrès!
- Vous trouvez qu'avancer plus vite est un progrès? Les chemins de traverse ont bien plus de charme que les autoroutes. A quoi bon se précipiter! On peut toujours remettre au lendemain ce qu’il est possible de faire la veille. La terre ne s’arrêtera pas de tourner pour autant. Croyez-moi jeune homme, il faut prendre son temps!
- Et surtout le garder! ajoute la vieille femme qui vient d’apparaître, armée d’un vieux moulin à café.