Il rebroussa chemin, poussa le portail, se retrouva nez à nez avec la créature qui gardait le guichet à l’entrée. Elle écarquilla les yeux et lui dit avec étonnement :
- Déjà ? Pouhhh... Tu as vite fait toi !
Puis elle se pencha, approcha ses reliefs pulpeux du visage de Jon.W et susurra :
- A moins que tu ne sois déçu ! Pou pou pidou....
Il hocha la tête.
- Ah ça, je t’avais prévenu : sans la bleucard c’est le programme minimum. Il faut revenir un peu mieux armé mon bonhomme ! Mais à propos, qu’est-ce que tu cherches exactement ?
- Je voudrais me marier !
Elle resta un long moment bouche bée.
- Alors là, toi, tu es vraiment spécial ! Pouhhh...
Elle lui prit le bras et l’entraîna vers la sortie.
- Tu t’es trompé de boutique. Lara a horreur qu’on se fiche d’elle ! Va plaisanter ailleurs, ici c’est un établissement sérieux.
Elle le bouscula rudement vers l’extérieur. La porte se referma dans un grand fracas. Quelques curieux perchés sur le mur d’enceinte en profitèrent pour choir.
Jon.W marcha penaud, droit devant lui, cherchant une bâtisse en construction devant laquelle il pourrait s’oublier, comme il le faisait chaque fois qu’on lui répétait qu’il était spécial. Mais, à moins d’aller à l’autre bout du Webworld, il n’y en avait quasiment plus. Un moment, il s’arrêta devant un message qui avait échoué près d’un lampadaire. Parfois, en marchant dans les rues, on voyait filer à vive allure des messages en forme de hiéroglyphes, dont on pouvait à peine saisir le sens tant ils étaient furtifs, messages qui ne tombaient dans aucune boîte aux lettres. De tels aléas faisaient partie des ratés du Webworld. Au même titre que les ectoplasmes de messages, ces masses insondables qui furetaient par endroit, venaient se perdre dans la Cité et disparaissaient aussitôt.
- Encore un qui a perdu la raison à force de naviguer ! disait-on, en voix off.
- A moins que ce ne soit sa crédulité ! ajoutait-on, également en voix off.
- Je dirais plutôt sa crédibilité en la circonstance ! concluait-on, toujours en voix off.
Jon.W avait compris que ces masses insondables, telle la raison, la crédulité ou la crédibilité, étaient des entités abstraites n’ayant aucune contrepartie dans le Webworld.
Mais là, en l’occurrence, il s’agissait d’un simple hiéroglyphe égaré. Jon.W le ramassa. Il avait été envoyé par Lna.Fr. C’était une pièce jointe, détachée du message initial. Il était impossible de lire le contenu du texte sans effectuer une traduction préalable. D’ailleurs, il se moquait éperdument du contenu. Son honnêteté l’avait conduit à ramasser le message pour le retourner à l’expéditeur, comme l’exigeait la nétiquette. Ce qu’il fit en l’accompagnant d’un mot :